Label Diversité, Label Egalité professionnelle : retour d'expériences.
- Dorothée de Linares
- 21 déc. 2022
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 mars 2023
AFNOR Certifications a réuni le 19 décembre 2022, le Club des Labellisés Diversité & Egalité. En tant qu'auditrice et consultante sur ces labels, j'ai beaucoup apprécié cette quatrième édition qui leur donne un nouvel élan.
Trois points montrent le grand succès de cet événement :
La participation de 3 ministres : Isabelle Rome, Stanislas Guérini et Olivier Dussopt. Le Label Diversité et le Label Egalité sont bien des Labels d'Etat, et nos ministres s'engagent pour que l'Etat montre l'exemple.
La remise des labels à 5 organismes qui les obtenaient pour la première fois : le ministère de l'Eduction Nationale et de la Jeunesse, le ministère des Armées, Vinci SA, le Festival lyrique d'Aix-en-Provence et Radio France. On les félicite pour tout le travail accompli ! Mais attention, cela ne veut pas dire qu'ils sont parfaits. L'un des récipiendaires a d'ailleurs souligné les points de vigilance inscrits dans sa feuille de route pour les années qui viennent : c'est bien l'objectif et l'esprit de ces labels, loin du "diversity washing", que de chercher à toujours s'améliorer.
La présence de nombreux employeurs labellisés, et d'autres qui ne le sont pas encore et envisagent de se lancer. J'espère qu'ils auront été convaincus de l'intérêt de la démarche ?
Depuis 2020, j'ai évalué plusieurs organismes candidats au Label Diversité et/ou au Label Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes. J'en ai par ailleurs accompagné d'autres dans leur démarche de préparation à la labellisation. J'ai envie de partager ici quelques points saillants qui se dégagent de ces expériences.

Diversité d'organismes labellisés
J'ai pu observer un échantillon de structures variées : grand groupe, PME, association, hôpital, ministère… Chacune d'entre elles a sa propre sociologie, son organisation, son modèle économique, ses enjeux, ses process, sa culture…
Mais chacune se retrouve dans la démarche d'amélioration continue proposée par les labels : un diagnostic et une analyse des risques, qui alimentent une politique, qui se décline en plan d'actions, actions dont on tire le bilan, qui va relancer le cycle suivant.
La méthode est globalement la même, mais avec une mise en œuvre qui s'adapte aux spécificités de chaque structure.
Direction et référent.e.s
La volonté de la Direction de s'engager dans une politique Diversité / Egalité et dans la lutte contre les discriminations est absolument nécessaire pour lancer et soutenir la démarche.
Si le ou la "numéro 1" s'en empare, c'est mieux. A défaut, ce n'est pas perdu, si tant est que quelqu'un de suffisamment haut placé dans la hiérarchie et légitime en interne incarne positivement la démarche et en est le ou la sponsor.
Pour la mise en œuvre opérationnelle, la Direction s'appuie sur un.e référent.e Diversité / Egalité, et souvent sur tout un réseau de référent.e.s, chevilles ouvrières de la démarche dans les différentes entités. L'identification et la bonne animation de ce réseau est un facteur clé de succès dans les grandes structures.
Là aussi, j'ai rencontré au fil des missions une variété de profils extraordinaires, avec des personnes référentes presque tout le temps volontaires et intimement engagées, même si "la diversité" n'est parfois qu'une de leurs nombreuses casquettes. Il peut être intéressant d'ailleurs de rapprocher ce rôle des sujets RSE, QVT, prévention, développement RH, qualité… : tout cela est lié.
Thématiques de la diversité plus ou moins "tendances"
Les critères de discriminations prohibés dans la loi sont nombreux et tous ne font pas abordés avec la même intensité dans les plans d'actions.
Grâce aux indicateurs légaux qui aident à objectiver des situations, le handicap, la mixité, et les écarts de rémunération F/H sont globalement suivis, et obligent à mettre en place un certain nombre d'actions - même si les résultats sont parfois décevants au regard de l'énergie dépensée.
Outre ces thématiques "classiques", les différents critères de discrimination, notamment ce qui concerne l'origine réelle ou supposée, ou l'âge, sont souvent aussi abordés de façon transverses par la mise en place de process RH et méthodes les plus objectifs possibles.
Ils mériteraient souvent des points d'attention spécifiques.
D'autres thématiques commencent à émerger de façon beaucoup plus visibles qu'il y a quelques années, répondant à des aspirations légitimes de la société, comme par exemple :
L'équilibre vie professionnelle / vie personnelle, et les nouvelles organisations du travail - avec la crise sanitaire qui a montré les possibilités de télétravail et fait accélérer la mise en place de mesures concrètes.
En lien avec le sujet précédent, le soutien à toutes les formes de parentalité, ainsi que la lutte contre les LGBTphobies : certains employeurs sont encore frileux sur le sujet, mais ils sont de plus en plus nombreux à s'en emparer, épaulés par des associations internes ou externes.
Les violences faites aux femmes, dans le travail mais aussi à leur domicile
L'aide aux aidants : la condition d'aidant familial n'est pas aujourd'hui un critère de discrimination défini dans la loi, mais le nombre croissant de personnes concernées oblige les employeurs qui veulent être inclusifs à imaginer des dispositifs adaptés.
Sur ces thématiques, comme sur d'autres (intersectionnalité, recours aux algorithmes dans les processus RH, management inclusif...), le cahier des charges des labels est lui-même dans une boucle d'amélioration, et son actualisation en 2023 précise un certain nombre d'exigences. Cela va permettre aux organismes déjà labellisés plusieurs fois de trouver des nouveaux challenges !
Participation active du personnel
L'exercice des labels demande de communiquer avec le personnel et ses représentants, ce qui veut dire bien sûr diffuser les politiques, les sensibilisations etc…, mais aussi écouter les personnels, les impliquer dans les plans d'actions, puis mesurer leur adhésion. Cela peut passer par des enquêtes en ligne (par exemple avec Mixity), mais aussi des groupes de parole, où on écoute ce qui remonte, ce qui gêne les gens, ce qu'ils comprennent de ce que la direction voudrait faire, ce qu'ils voudraient faire eux même.
Leur implication en amont des actions est une des clés de succès des événements de sensibilisation organisés sur les sites, surtout quand ils ne sont pas obligatoires. Comment augmenter la participation au-delà du premier cercle des personnes "concernées" par la thématique abordée ? Comment trouver le bon ton, ni moralisateur, ni infantilisant ?
Et puis, on n'est pas à l'abri que les collaborateurs soient plus matures que leur direction sur certains sujets, comme me le confiait une responsable diversité, au sujet de la thématique LGBT+ : ce sont des membres du personnel qui font avancer la direction et la poussent à lancer des actions.
Il arrive que la parole émerge de façon spontanée pendant l'audit, lors des rencontres avec le personnel, qui sont souvent des moments de vérité. J'ai pu ainsi entendre des situations de discrimination potentielle, exprimées toujours avec beaucoup d'émotion, qui n'avaient pas été signalées au dispositif prévu à cet effet. Cela a été l'occasion de faire de la pédagogie pour inciter à leur signalement d'un côté, et à leur bon traitement de l'autre. N'est-ce pas un bénéfice collatéral de l'audit ?
Diversité, égalité : ce n'est pas qu'un sujet "RH" interne.
Le cahier des charges des labels exprime des exigences fortes et détaillées en ce qui concerne les formations et sensibilisations à la diversité et à l'égalité (domaine 4), et la gestion des ressources humaines et ses processus associés (domaine 5). Il s'agit souvent des deux domaines phares de l'exercice.
Néanmoins le domaine 6, qui traite des relations avec l'externe ne doit pas être négligé, et j'y accorde de mon côté beaucoup d'intérêt dans mes évaluations.
Le diagnostic initial peut s'avérer particulièrement intéressant pour les porteurs de projet de labellisation : interrogez vos collègues des autres directions pour savoir quelles actions sont déjà mises en place et à valoriser / encourager / compléter :
Une politique fournisseurs pour les inciter à être plus vertueux également,
Des partenariats associatifs et territoriaux pour ancrer les bonnes pratiques de tout un écosystème,
La relation clients, l'immobilier, l'informatique pour garantir l'accessibilité et le traitement sans discrimination de toutes et tous,
Le marketing pour concevoir des produits ou services plus inclusifs...
Cette liste n'est pas exhaustive pour les entreprises, ni bien sûr pour la fonction publique.
Concernant celle-ci, gageons que la nouvelle version du cahier des charges en cours de finalisation valorise spécialement la dimension non discriminatoire des services rendus au public, à tous les publics.
Près de 3 ans après m'être interrogée Pourquoi me suis-je formée à l'audit sur les labels Diversité et Egalité professionnelle H/F ?, j'ai pu expérimenter, dans différentes configurations, l'intérêt de ces labels pour les organismes qui se lancent dans la démarche, et je me réjouis du nouvel élan donné par l'Etat, AFNOR Certification, et les membres des commissions de labellisations qui produisent la nouvelle version du cahier des charges à la hauteur des nouveaux enjeux.
J'y trouve également un grand intérêt personnel, en ayant la chance de rencontrer des situations, des équipes et des personnes si variées à travers les audits et les missions de conseil.
A suivre !
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